L’École de physiothĂ©rapie et d’ergothĂ©rapie (ÉPE) de l’UniversitĂ© 91ÉçÇř a eu l’honneur d’accueillir Elizabeth Anne Kinsella, OT, Ph. D., directrice de l’Institut d’éducation en sciences de la santĂ© de 91ÉçÇř et membre associĂ©e de l’ÉPE, dans le cadre de l’édition spĂ©ciale du Bicentenaire de la confĂ©rence annuelle Edith Aston-McCrimmon, tenue le 18 novembre. Normalement tenue au Cercle universitaire de 91ÉçÇř, la confĂ©rence a eu lieu virtuellement devant une centaine de participants de la communautĂ© locale et internationale de la rĂ©adaptation.
Chercheuse en éducation, ergothérapeute et praticienne de la pleine conscience depuis plus de deux décennies, la Pre Kinsella souligne l’importance de diverses approches réflexives pour améliorer et transformer l’éducation médicale, la pratique et les connaissances professionnelles. Elle attire l’attention sur les processus de réflexion, qui permettent d’approfondir la prise de conscience des praticiens, de développer des connaissances basées sur la pratique et de contribuer à une pratique compétente, sage et éthique. Lors de cette conférence, la Pre Kinsella a parlé des travaux sur l’éducation et la pratique de la pleine conscience dans les professions de la santé que son laboratoire réalise avec le financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).
La Pre Kinsella a utilisé la métaphore d’un tsunami pour mettre en évidence les facteurs de stress au travail auxquels les professionnels de la santé sont confrontés, et l’amplification de ces facteurs par la pandémie. La lourde charge de travail, la pénurie de main-d’œuvre, les environnements de travail complexes, l’écart entre la demande et les ressources, les changements technologiques, les changements rapides de directives, l’évolution constante des politiques, les attitudes stigmatisantes, les micro-agressions et les défis éthiques contribuent notamment au stress en santé. Tous ces facteurs peuvent avoir un impact sur la santé et le bien-être des professionnels de la santé.
La Pre Kinsella soutient que la pleine conscience peut aider Ă attĂ©nuer ces facteurs de stress. Les pratiques de pleine conscience ont beaucoup gagnĂ© en popularitĂ© ces dernières annĂ©esĚý: on compte dĂ©sormais plus d’un millier de publications de recherche par an sur le sujet, comparativement Ă une poignĂ©e seulement dans les annĂ©esĚý1980.
Les pratiques de pleine conscience ont le potentiel d’aider les praticiens Ă voir les dimensions stressantes de la vie et de la pratique clinique avec plus de clartĂ©, a dĂ©clarĂ© la Pre Kinsella, ce qui leur permet d’y rĂ©agir de façon plus efficace et rĂ©flĂ©chie. Elle a expliquĂ© que les interventions de pleine conscience utilisĂ©es dans la formation des praticiens impliquent gĂ©nĂ©ralement une combinaison de trois ou quatre pratiques telles que la mĂ©ditation, l’analyse corporelle, l’attention Ă la respiration et le mouvementĚýconscient1. Les descriptions de la pleine conscience s’appuient frĂ©quemment sur des qualitĂ©s comportementales comme le non-jugement, la patience, l’esprit de dĂ©butant, la confiance, le non-effort, l’acceptation et le lâcherĚýprise2. La Pre Kinsella a notĂ© qu’une approche de pleine conscience peut Ă©galement favoriser les soins centrĂ©s sur le patient en cultivant la prĂ©sence et la compassion dans la relation thĂ©rapeute-patient.
Dans une Ă©tude rĂ©cente sur l’éducation Ă la pleine conscience, la Pre Kinsella a demandĂ© Ă des Ă©tudiants en rĂ©adaptation de tenir un journal de pleine conscience. L’étude a rĂ©vĂ©lĂ© Ă quel point cette pratique peut aider Ă changer de perspective et Ă jeter un regard nouveau sur les Ă©vĂ©nements stressants. Lors de la confĂ©rence, la Pre Kinsella a lu un extrait d’un des journaux tenus dans le cadre de l’étude, qui dĂ©crit une telle rĂ©alisationĚý:
J’avais constatĂ©, depuis un certain temps dĂ©jĂ , que j’avais excessivement tendance Ă m’inquiĂ©ter de l’avenir, Ă me faire des scĂ©narios et Ă suranalyser ma performance… J’ai pris conscience de cette habitude et de l’anxiĂ©tĂ© Ă©touffante qu’elle me causait, mais je ne pouvais rien y faire. J’ai essayĂ© de me parler, de me dire qu’il fallait juste relaxer, mais ça me semblait impossible. La pleine conscience a ouvert une nouvelle porteĚý: une mĂ©thode non pas pour faire taire l’inquiĂ©tude, mais pour cultiver son contraire ̶ Ěýla pratique directe de vivre dans le moment prĂ©sent, sans jugement… Il m’a semblĂ© que j’étais plus calme, que mon esprit Ă©tait plus clair, plus Ă mĂŞme de rĂ©agir aux situations difficiles.
La Pre Kinsella a Ă©galement expliquĂ© comment la pleine conscience peut survenir lorsqu’on s’engage dans une activitĂ© avec une attention et une prĂ©sence totales. Son Ă©quipe explore le potentiel du concept d’«Ěýoccupation conscienteĚý», une façon de repenser l’application de la pleine conscience aux occupations quotidiennes (c’est-Ă -dire tout ce que les gens ont besoin de faire, souhaitent faire ou sont tenus de faire)3. En Ă©ducation Ă la pleine conscience, dit la Pre Kinsella, on nĂ©glige souvent les difficultĂ©s vĂ©cues en dĂ©but d’apprentissage de ces mĂ©thodes, et l’importance de normaliser ces difficultĂ©s avec les apprenants. Elle a Ă©galement expliquĂ© comment la pleine conscience peut favoriser la compassion chez les Ă©tudiants, Ă la fois pour eux-mĂŞmes et pour ceux avec qui ils travaillent, et Ă quel point il est important de trouver une communautĂ© de pleine conscience qui les soutient.
Il ne suffit pas d’enseigner la pleine conscience aux praticiens au sein de systèmes qui créent des conditions stressantes, selon la Pre Kinsella; les institutions ont la responsabilité de concevoir des systèmes favorables à la santé et au bien-être des praticiens et des patients. Les mesures visant à aider les individus à gérer le stress au travail doivent selon elle être combinées à un changement systémique positif au sein des organisations.
La pleine conscience a Ă©galement une place dans le travail pour l’équitĂ©, la diversitĂ©, l’inclusion et la justice, a dit la Pre Kinsella. Les tenants des pratiques de pleine conscience avancent qu’elles offrent un point d’appui solide pour faire face aux difficultĂ©s personnelles et professionnelles, et qu’elles peuvent nous aider Ă faire une pause pour rĂ©agir de façon rĂ©flĂ©chie aux situations d’injustice, comprendre les rĂ©actions des autres et dĂ©velopper la tolĂ©rance et la compassion4.ĚýMĂŞme si elles ne sont pas une panacĂ©e, a conclu la Pre Kinsella, les pratiques de pleine conscience peuvent ĂŞtre utiles pour dĂ©velopper la sagesse et favoriser la rĂ©silience chez les Ă©tudiants et les praticiens des professions de la santĂ©.ĚýCe fut un honneur d’entendre une chercheuse aussi respectĂ©e discuter des recherches Ă©mergentes sur l’éducation et la pratique de la pleine conscience, et aborder le rĂ´le de la pleine conscience dans la gestion du stress en soins de santĂ©, surtout en ces temps de pandĂ©mie.
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(1) Kinsella, Smith, Bhanji et al. (2020).ĚýMindfulness in allied health and social care professional education: a scoping review. Disability and rehabilitation,Ěý42(2),283-295.
(2) Kabat-Zinn, J. (2013).ĚýFull catastrophe living: Using the wisdom of your body and mind to face stress, pain and illness. New York: Bantam Books.
(3) Goodman, Wardrope, Myers, et al. (2019).ĚýMindfulness and human occupation: a scoping review.ĚýScandinavian Journal of Occupational Therapy.Ěý26(3),157-170.
(4) Berila, B. (2016).ĚýIntegrating mindfulness into anti-oppressive pedagogy:ĚýSocial justice in higher education. New York: Routledge.
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