Le chant des oiseaux et le langage humain ont-ils les mêmes fondements biologiques?
Les oiseaux chanteurs et les humains ont-ils des caractéristiques biologiques communes influant sur la façon dont ils produisent et perçoivent les sons?
Les scientifiques qui étudient le chant des oiseaux se demandent depuis déjà un certain temps si le langage humain et la musique pourraient avoir comme fondements des processus biologiques communs à plusieurs espèces d’animaux. Des biologistes de l’Université 91ÉçÇø disposent maintenant de nouvelles données probantes permettant d’étayer cette hypothèse.
À la suite d’une série d’expériences, les chercheurs ont découvert que les jeunes diamants mandarinsÌý– espèce souvent utilisée pour étudier le chant des oiseauxÌý– apprennent intrinsèquement à produire certains motifs sonores de préférence à d’autres. «ÌýEn outre, ces motifs sonores étaient semblables à ceux que l’on observe fréquemment dans le langage humain et la musiqueÌý», souligne ´³´Ç²ÔÌý³§²¹°ì²¹³Ù²¹, professeur agrégé de biologie à l’Université 91ÉçÇø et auteur principal d’un article publié en ligne dans la revue Current Biology le 22ÌýnovembreÌý2017.
Sur les épaules de Chomsky
Les hypothèses actuelles sur le langage humain et la musique ont motivé la tenue de ces expériences. Les linguistes ont découvert depuis longtemps que les différentes langues du monde présentent de nombreuses caractéristiques communes, appelées «Ìýles universaux linguistiquesÌý». Ces caractéristiques comprennent la structure syntaxique (p.Ìýex., l’ordre des mots) ainsi que les motifs acoustiques plus subtils de la parole, tels que l’organisation temporelle (timing), la hauteur tonale et l’accentuation des énoncés. Certains théoriciens, comme NoamÌýChomsky, ont posé le postulat selon lequel ces caractéristiques témoignent de l’existence d’une «Ìýgrammaire universelleÌý» reposant sur des mécanismes cérébraux innés qui facilitent l’apprentissage du langage et influent sur ce processus. Les chercheurs continuent de débattre de l’importance de ces mécanismes cérébraux innés, en raison notamment du rôle que pourrait jouer la propagation culturelle sur ces universaux.
Parallèlement, des études d’envergure sur le chant des diamants mandarins ont permis d’établir l’existence de divers motifs sonores dans l’ensemble des populations, sans distinction. «ÌýPuisque ces universaux présentent des similitudes avec ceux observés chez les humains et que l’acquisition du chant chez les oiseaux se fait de façon semblable à l’acquisition de la parole et du langage chez les humains, nous voulions mesurer la prédisposition biologique à l’apprentissage vocal chez les oiseaux chanteursÌý», affirme LoganÌýJames, doctorant au laboratoire du PrÌýSakata et coauteur de la nouvelle étude.
Un répertoire de chants d’oiseaux
Afin d’isoler les prédispositions biologiques à l’apprentissage vocal, LoganÌýJames et ´³´Ç²ÔÌý³§²¹°ì²¹³Ù²¹ ont littéralement appris à chanter à de jeunes diamants mandarins en leur faisant écouter des chants composés de cinq éléments acoustiques présentés dans toutes les séquences possibles. Les oiseaux étaient exposés à chaque permutation de séquences en proportions égales et dans un ordre aléatoire. Ainsi, chacun des diamants mandarins devait «ÌýchoisirÌý» quelles séquences il devait reproduire à partir de ce répertoire de chants d’oiseaux.
L’expérience a démontré que les oiseaux de laboratoire préféraient reproduire des séquences très semblables à celles observées dans les populations d’oiseaux vivant en liberté dans la nature. Ainsi, à l’instar des diamants mandarins sauvages, les oiseaux qui avaient appris à chanter en laboratoire à l’aide de séquences aléatoires terminaient souvent leur chant en émettant un «Ìýcri de distanceÌý»Ìý– un son soutenu et grave.
D’autres sons étaient beaucoup plus susceptibles d’apparaître au début ou au milieu du chant; ainsi, les sons courts et aigus étaient plus susceptibles d’être produits au milieu du chant qu’au début ou à la fin de ce dernier, ce qui correspond aux motifs sonores observés dans diverses langues et dans la musique, où les sons produits à la fin des phrases ont tendance à être plus longs et plus graves que les sons produits au milieu des phrases.
Nouvelles pistes de recherche
«ÌýCes observations sont très importantes pour notre compréhension du langage humain et de la musiqueÌý», affirme CarolineÌýPalmer, professeure de psychologie à l’Université 91ÉçÇø, qui n’a pas participé à ces travaux. «ÌýL’étude, où le milieu d’apprentissage des oiseaux était contrôlé d’une manière impossible à reproduire avec de jeunes enfants, porte à croire que l’apprentissage statistique à lui seulÌý– le degré d’exposition d’un sujet à des motifs acoustiques déterminésÌý– ne peut expliquer les préférences au chapitre du chant (ou du langage). D’autres principes, tels que les grammaires universelles et l’organisation perceptuelle, peuvent davantage expliquer pourquoi les nourrissons et les jeunes oiseaux sont prédisposés à préférer certains motifs sonores.Ìý»
Selon ´³´Ç²ÔÌý³§²¹°ì²¹³Ù²¹, qui est également membre du Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique de l’Université 91ÉçÇø, cette étude ouvre la voie à de nombreux projets de recherche pour son équipe, en collaboration avec des chercheurs sur la parole, le langage et la musique. «ÌýDans un avenir immédiat, nous voulons déterminer comment les mécanismes cérébraux du traitement des sons, ainsi que certains aspects de l’apprentissage et du contrôle moteurs, sous-tendent ces biais d’apprentissage.Ìý»
Denise Klein, directrice du Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique, et neuroscientifique à l’Institut neurologique de Montréal, estime que l’étude de Logan James et Jon Sakata « jette un nouvel éclairage sur les universaux de la communication vocale, contribuant ainsi à l’avancement de nos connaissances sur les fondements neurobiologiques du langage et de la musique ».
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique ainsi que par une bourse de recherche de la famille Heller, et soutenue par des discussions avec des linguistes de l’Université 91ÉçÇø, dont HeatherÌýGoad et LydiaÌýWhite.
L’article « Learning Biases Underlie ‘Universals’ in Avian Vocal Sequencing,», par LoganÌýS.ÌýJames et JonÌýT.ÌýSakata, a été publié en ligne dans la revue Current Biology ±ô±ðÌý22Ìý²Ô´Ç±¹±ð³¾²ú°ù±ðÌý2017.
DOI: 10.1016/j.cub.2017.10.019
IMAGE: Diamants mandarins CREDIT: Raina FanÌý
Vidéo, infographie, et enregistrements sonores disponible ici:
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Département de biologie, UniversitéÌý91ÉçÇø
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