Les cibles de l’ONUSIDA ne seront pas atteintes pour les hommes homosexuels en Afrique
Malgré l’efficacité accrue du système de dépistage du VIH en Afrique, les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) reçoivent rarement le traitement nécessaire.
Voilà la conclusion d’une étude menée par le Collège impérial de Londres publiée dans The Lancet HIV, dans le cadre de laquelle furent analysées 75 recherches indépendantes effectuées entre 2004 et 2018 sur 44 993 HSH dans 28 pays africains.
Cette étude, la première méta-analyse et le premier examen systématique d’importance sur le dépistage et le traitement du VIH chez les HSH, démontre que depuis 2011, près de la moitié des HSH en Afrique se font dépister chaque année, alors qu’ils n’étaient auparavant qu’un tiers. Cependant, même s’ils se font plus souvent tester que les autres hommes, ils restent beaucoup moins nombreux à suivre un traitement.
En effet, seulement 19 % des HSH savent qu’ils sont infectés et un maigre 24 % d’entre eux reçoivent un traitement antirétroviral (TAR).
Traitement de référence contre le VIH, celui-ci réduit la charge virale dans le sang jusqu’à un niveau indétectable, prolongeant ainsi l’espérance de vie des personnes infectées tout en empêchant la transmission de la maladie.
Les chercheurs derrière cette étude sonnent l’alarme : si rien ne change, les cibles 90-90-90 de l’ONUSIDA pour les HSH en Afrique ne seront pas atteintes. Cet objectif mondial vise à informer 90 % des personnes infectées de leur statut, à faire en sorte que 90 % de celles-ci suivent un TAR et à s’assurer que 90 % de ces dernières atteignent la suppression virale d’ici 2020 pour maîtriser l’épidémie.
À titre comparatif, une autre étude datant de 2018 a démontré que dans six pays d’Europe et d’Asie centrale, 83 % des HSH infectés connaissent leur statut et que de ce nombre, 70 % reçoivent le traitement nécessaire. En Afrique, la proportion de HSH traités est environ 2,5 fois inférieure à celle de la population d’hommes hétérosexuels.
L’équipe du Collège impérial a découvert que chez les HSH du continent africain, le taux de dépistage et la connaissance de la séropositivité étaient moindres dans des pays où une législation anti-LGBT sévère est en vigueur, et que la discrimination à leur encontre semble nourrir leur réticence à se faire tester.
« De nombreux facteurs pourraient expliquer pourquoi si peu d’entre eux se font tester et reçoivent un TAR », déclare James Stannah, auteur principal de l’étude qu’il a menée en tant qu’assistant de recherche au Collège impérial de Londres, « notamment l’accès difficile aux services de santé et de soutien dans des pays dotés de lois homophobes ou particulièrement discriminants envers les relations homosexuelles ».
« Ces résultats sont importants parce que les HSH en Afrique sont particulièrement touchés par le VIH, mais sont jusqu’à présent passés plutôt inaperçus aux niveaux national et mondial. Cette étude, la première analyse de grande envergure sur le dépistage et le traitement du VIH au sein de cette population, estime qu’ils sont trois sur quatre à vivre avec le virus sans suivre de traitement. Bon nombre d’entre eux mourront inutilement du sida après avoir potentiellement infecté leurs partenaires. Afin d’endiguer l’épidémie de VIH chez les HSH et la population générale, il faut aider les personnes les plus à risque de le contracter et de le transmettre », indique Marie-Claude Boily, auteure principale et professeure à l’École de santé publique du Collège impérial.
Kate Mitchell, codirectrice de l’étude, ajoute : « On peut avancer beaucoup de raisons possibles pour éclaircir les taux de dépistage et de traitement inférieurs chez les HSH d’Afrique, mais nos travaux montrent que deux de ces facteurs sont la législation anti-LGBT et la discrimination, ce qui concorde avec les conclusions d’autres recherches ».
Selon M. Stannah, doctorant au DĂ©partement d’épidĂ©miologie, biostatistique et santĂ© au travail de la FacultĂ© de mĂ©decine de l’UniversitĂ© 91ÉçÇř, l’étude met en lumière les nombreux obstacles que rencontrent ces hommes pour accĂ©der au test de dĂ©pistage et au traitement : « Ă€ l’échelle mondiale, les HSH sont près de 28 fois plus susceptibles d’être atteints que les autres hommes, cette disproportion Ă©tant surtout Ă©vidente en Afrique subsaharienne. Dans un environnement hostile, oĂą la discrimination et les violations des droits de la personne dĂ©coulent d’une lĂ©gislation homophobe, l’accès aux services de santĂ© pour les HSH atteints du VIH doit ĂŞtre Ă©largi. »
Elizabeth Dale, coauteure principale, renchérit : « Il reste encore beaucoup à accomplir. Nous devons évaluer la situation dans plus de pays africains et déterminer si des modifications des lois combinées à une discrimination réduite pourraient encourager davantage de HSH à se faire dépister et traiter. Même si le nombre d’études consacrées au sujet a augmenté avec le temps, beaucoup d’autres sont encore nécessaires, surtout pour l’Afrique du Nord et l’Afrique Centrale, régions pour lesquelles nous manquons cruellement de données. Il faut évaluer régulièrement le pourcentage de dépistages et de traitements au sein des HSH de tout le continent afin de mesurer les progrès réalisés en regard de l’objectif de l’ONUSIDA et d’identifier les principales lacunes en matière de prévention. »
Cette étude a été subventionnée par le Conseil de la recherche médicale du Royaume-Uni, le Département pour le développement international et les Instituts nationaux de la santé des États-Unis, membres du Réseau d’études sur la prévention du VIH.
« HIV testing and engagement with the HIV treatment cascade among men who have sex with men in Africa: a systematic review and meta-analysis », par James Stannah, Elizabeth Dale, Jocelyn Elmes, Roisin Staunton, Chris Beyrer, Kate M. Mitchell et Marie-Claude Boily, publié dans The Lancet HIV :
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RENSEIGNEMENTS :
Cynthia Lee
Relations avec les mĂ©dias, UniversitĂ© 91ÉçÇř
TĂ©l. : 514 398-6754
cynthia.lee [at] mcgill.ca
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