Retarder le plaisir
Pour la toute première fois, des chercheurs de l’UniversitĂ© 91ÉçÇř ont clairement identifiĂ© les parties spĂ©cifiques du cerveau interpellĂ©es dans le processus de gratification diffĂ©rĂ©e.
Dans un article récemment paru dans la revue European Journal of Neuroscience, l’équipe mcgilloise a démontré que l’hippocampe (associé à la mémoire) et le noyau accumbens (associé au plaisir) travaillent de concert lors de décisions de cette nature, où la notion de temps joue un rôle important. Les chercheurs ont prouvé que lorsque ces deux structures sont véritablement « déconnectées » dans le cerveau, on assiste à une perturbation des décisions liées à la gratification différée.
Il s’agit d’une découverte ayant des retombées relativement à une vaste gamme de troubles neuropsychiatriques, dont le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, le trouble de l’alimentation et le trouble anxieux, ainsi qu’à des problèmes de nature plus courante liés à un comportement mésadapté qui entraîne des répercussions lors de la prise de décisions courantes quant à la consommation de drogue ou d’alcool, la dépendance au jeu ou l’utilisation effrénée de cartes de crédit.
Méthode employée par les chercheurs
C’est en menant une recherche auprès de rats formés pour choisir entre des stimuli entraînant l’obtention de récompenses en fonction de périodes précises que les chercheurs ont mis au jour l’importance de ce lien. Les rats devaient faire un choix entre deux formes visuelles identiques en appuyant leur museau pour désigner l’une d’entre elles sur un écran tactile (similaire à un iPad), en échange de granules de sucre. Comme la plupart des humains, les rats ont la dent sucrée.
Au fil du temps, les rats ont appris à négocier un compromis avantageux – reporter l’obtention immédiate d’une petite récompense (une granule de sucre) pour recevoir, après un moment d’attente, une récompense plus importante (soit quatre granules de sucre). Les chercheurs ont observé qu’en moyenne, les rats, comme c’est généralement le cas chez l’humain, sont disposés à reporter l’obtention d’une récompense plus importante, mais uniquement pour une certaine période, et seulement s’ils jugent que le jeu en vaut la chandelle.
Cependant, lorsque survenait une interruption du circuit liant l’hippocampe au noyau accumbens, les rats s’impatientaient et il leur Ă©tait impossible d’attendre, ne serait-ce que quelques secondes. Ils optaient alors pour la rĂ©compense immĂ©diate, bien que plus petite. Fait important Ă mentionnerĚý: la prĂ©sence de lĂ©sions dĂ©celĂ©es dans d’autres parties du cerveau connues pour leur rĂ´le dans certains aspects de la prise de dĂ©cisions – dont le cortex prĂ©frontal – n’entraĂ®nait pas un tel changement de comportement.
RĂ©percussions et prochaines Ă©tapes
« Il s’agit d’un type de dĂ©cision que plusieurs d’entre nous sommes tĂ´t ou tard appelĂ©s Ă prendre. Cela est particulièrement le cas chez les très jeunes, les très vieux et les personnes souffrant d’une maladie du cerveau », a indiquĂ© la professeure Yogita Chudasama, chercheuse principale de l’article et membre du DĂ©partement de psychologie de l’UniversitĂ© 91ÉçÇř. « D’une certaine façon, ce lien est logique; nous savons que l’hippocampe joue un rĂ´le dans la planification, et que le noyau accumbens est Ă la fois un centre de rĂ©compense et un rĂ©cepteur important de dopamine, un messager chimique responsable de la transmission de signes liĂ©s au plaisir et Ă la gratification. Nous ne pouvions toutefois pas imaginer que les rĂ©sultats seraient aussi probants. Tout en nous Ă©clairant davantage sur le processus dĂ©cisionnel, les donnĂ©es colligĂ©es mettent en lumière le potentiel de ce circuit – qui fait appel Ă l’hippocampe et au noyau accumbens – comme agent thĂ©rapeutique auprès de groupes cibles formĂ©s de patients humains. »
L’article « Hippocampal interplay with nucleus accumbens is critical for decisions about time », par Andrew R. Abela et coll., a Ă©tĂ© publiĂ© en ligne dans la revue European Journal of NeuroscienceĚý: .
Cette étude a été réalisée grâce au soutien des Instituts de recherche en santé du Canada, de la Fondation canadienne pour l’innovation et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
Image en rotation: en rouge, l'hippocampe. Crédit:Site web Anatomography géré par Life Science Databases(LSDB)