Une étude révèle des variations et des lacunes importantes dans les soins de la tuberculose dans les villes de l’Inde
Le 26 septembre, les chefs des États membres de l’Assemblée générale des Nations Unies se rassembleront pour une première réunion de haut niveau sur la lutte contre la tuberculose (TB), dans le but d’accélérer les efforts pour éradiquer cette maladie et offrir des soins et des mesures de prévention à toutes les personnes touchées.
Ă€ l’approche de la rĂ©union, l’Inde a annoncĂ© son propre plan ambitieux visant Ă Ă©liminer la TB d’ici 2025. Avec l’augmentation de la multirĂ©sistance aux mĂ©dicaments, la tâche sera colossale pour le pays qui affiche le plus lourd fardeau mondial de la maladie, en particulier dans un contexte oĂą les fournisseurs de soins de santĂ© du secteur privĂ© constituent le premier point de contact de 50 Ă 70% des patients prĂ©sentant des symptĂ´mes de TB. «Le gouvernement indien travaille fort Ă mobiliser les services de santĂ© privĂ©s, mais on sait peu de choses sur la qualitĂ© des soins qui y sont dispensĂ©s», explique le Dr Madhukar Pai, directeur du Centre international de TB 91ÉçÇř, professeur d’épidĂ©miologie Ă l’UniversitĂ© 91ÉçÇř et chercheur Ă l’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© 91ÉçÇř.
Selon une étude publiée cette semaine dans PLOS Medicine, les fournisseurs de soins de santé du secteur privé prodiguent des soins très variés et le plus souvent inadéquats à ces patients. Le DrPai et ses collègues, dont Ada Kwan, doctorante à l’Université de la Californie à Berkeley, Benjamin Daniels et Jishnu Das, de la Banque mondiale, ont eu recours à 24patients standardisés – des acteurs formés pour incarner un patient atteint de tuberculose selon quatre scénarios standardisés lors de consultations impromptues – pour évaluer la prise en charge et la qualité des soins prodigués par des fournisseurs de soins de santé du secteur privé, stratifiés selon leurs qualifications professionnelles, à Patna et à Mumbai, en Inde.
En tout, 2652consultations des patients standardisés auprès de 473 fournisseurs de soins de santé à Patna et 730 à Mumbai ont été analysées et pondérées pour une interprétation représentative de chaque ville. Les fournisseurs de soins de santé ont pris en charge les cas de TB selon les normes nationales et internationales dans seulement 949de ces interactions (35% après pondération; IC 95%: 32%-37%). Les fournisseurs maintenaient souvent le même protocole erroné avec plus d’un patient standardisé, répétant les actions observées 75% du temps lors d’une seconde visite par un patient différent. En revanche, aucune «pratique commune» ne semble être adoptée par une vaste majorité de fournisseurs: les patients standardisés ont observé une grande variation de la qualité et des protocoles de traitement dans chaque strate de qualifications.
Plusieurs résultats positifs sont néanmoins ressortis de l’étude. Tout d’abord, les fournisseurs de soins de santé allopathiques ayant au moins un grade de bachelier en médecine et en chirurgie (MBBS) étaient beaucoup plus susceptibles de prendre en charge correctement le cas que les fournisseurs non-MBBS (rapport de cotes 2,80; IC 95%: 2,05-3,82; p < 0,0001). Deuxièmement, presque aucun fournisseur non-MBBS n’a prescrit de médicaments antituberculeux. En général (113cas sur 118), ces médicaments ont été prescrits judicieusement, en suivant un régime posologique adéquat. Enfin, les fournisseurs qui recevaient davantage d’information diagnostique de la part du patient offraient de meilleurs soins, même lorsque cela signifiait de diriger leur patient vers le programme anti-TB du secteur public.
Selon Kwan et Pai, la lutte pour l’élimination de la TB en Inde présente des défis évidents mais également des occasions extraordinaires: «Plutôt que d’envoyer simplement le message que les soins dans le secteur privé sont “bons” ou “mauvais”, notre étude montre que de nombreux médecins qualifiés prodiguent d’excellents soins, mais nous avons aussi observé certains fournisseurs de soins de santé dont la prise en charge était systématiquement incorrecte. Mobiliser les professionnels qui offrent des soins de qualité, consolider les mécanismes d’aiguillage des patients vers ces professionnels, et s’assurer que leurs patients aient accès gratuitement aux médicaments anti-TB et aux autres programmes du secteur public constituerait sans doute une stratégie utile pour l’Inde.»
Les auteurs notent que le recours à des patients standardisés ne rend pas compte de toute la diversité de patients que voit un fournisseur de soins de santé, et ne permet pas d’évaluer comment un même fournisseur assurerait le suivi lors de visites subséquentes. En outre, faute de disponibilité des données nécessaires, la comparaison n’a pas été établie avec le secteur public. Malgré ces limites, les résultats indiquent que l’amélioration de la prise en charge de la TB dans le secteur privé en milieu urbain devrait être une priorité dans la stratégie d’élimination de la maladie en Inde.
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Cette étude a été financée par la Bill & Melinda Gates Foundation, Grands Défis Canada, et le programme Knowledge for Change de la Banque mondiale.
" de Ada Kwan, Benjamin Daniels, Vaibhav Saria, Srinath Satyanarayana, Ramnath Subbaraman, Andrew McDowell, Sofi Bergkvist, Ranendra K. Das, Veena Das, Jishnu Das et Madhukar Pai a été publié dans PLOS Medicine.
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