Histoire de l’Institut d’éducation en sciences de la santé : l’évolution d’une communauté
Par Matthew Brett
En 1974, inspiré par l’énergie de l’époque, le docteur Hugh Scott écrit une lettre enthousiaste au doyen de la Faculté de médecine pour proposer de créer « un centre qui servirait de lieu de rencontre et de pépinière d’innovation, d’évaluation et de recherche en éducation, au lieu d’un réservoir d’expertise. »
Quarante-six ans plus tard, en 2020, cet esprit de communauté est toujours florissant dans l’actuel Institut d’éducation en sciences de la santé (IÉSS).
Nous vous proposons de retracer brièvement l’histoire de l’Institut Ă travers le regard de ses anciens directeurs et directrices. Ă€ l’approche des cĂ©lĂ©brations du bicentenaire de l’UniversitĂ© 91ÉçÇř, l’an prochain, nous commençons par un aperçu du vaste hĂ©ritage de l’Institut, qui s’appuie sur 200 ans d’éducation mĂ©dicale et en sciences de la santĂ© Ă 91ÉçÇř.
1875-1974 : Un siècle de cheminement
L’éducation en sciences de la santĂ© Ă l’UniversitĂ© 91ÉçÇř a une riche histoire. C’est en 1821 que 91ÉçÇř obtient la charte qui lui confère les pouvoirs d’une universitĂ©. Quelques dĂ©cennies plus tard, Sir William Osler, considĂ©rĂ© comme l’un des plus grands mĂ©decins de l’histoire, introduit Ă 91ÉçÇř le concept d’enseignement au chevet du patient et met en place des laboratoires dotĂ©s de microscopes, traçant ainsi la voie Ă l’apprentissage appliquĂ©.
Faisons un bond en avant vers 1959, au moment oĂą le Dr Scott, futur directeur inaugural du Centre d’éducation mĂ©dicale de 91ÉçÇř, assiste Ă la deuxième confĂ©rence mondiale sur l’éducation mĂ©dicale Ă titre de reprĂ©sentant nord-amĂ©ricain, Ă l’invitation du World Council of Medical Students.
Dans les deux décennies qui ont suivi, une période qu’on appelle aujourd’hui la Révolution tranquille, de nombreux événements marquants se sont succédé au Québec, dont la création de l’assurance-maladie, une grève des médecins spécialistes et la Crise d’octobre.
Loin d’œuvrer en vase clos, le milieu de l’éducation et de la recherche en sciences de la santé font partie intégrante de ces mouvements sociaux, à la fois un produit de l’époque et un agent de changement.
En 1973, le programme d’études en mĂ©decine connaĂ®t une rĂ©forme en profondeur. La visite Ă 91ÉçÇř d’un comitĂ© d’agrĂ©ment du programme pousse le doyen de l’époque, R.F.P. Cronin, Ă demander au Dr Scott d’explorer l’idĂ©e d’un centre d’éducation mĂ©dicale.
« C’était une époque d’effervescence », se souvient le Dr Scott. « On a revu le système médical du tout au tout. »
Dans sa lettre au doyen, en 1974, le Dr Scott dĂ©crit le potentiel de rĂ©unir au sein d’un nouveau centre « une coalition de personnes qui s’intĂ©ressent Ă la question Ă la FacultĂ© et ailleurs Ă 91ÉçÇř ». Son rĂŞve n’a pas tardĂ© Ă se concrĂ©tiser.
1975 : Ouverture du Centre d’éducation médicale
Le Centre ouvre officiellement ses portes sous la gouverne du Dr Scott et de la directrice adjointe Josephine Cassie.
L’arrivée du professeur Guy Groen, en double affectation à la Faculté des sciences de l’éducation, coïncide avec celle du professeur Tom Taylor, en double affectation au Département d’épidémiologie. Voilà qui illustre l’une des forces qui ont fait le succès du Centre et qui se perpétue encore aujourd’hui : le rejet des frontières disciplinaires pour tisser des réseaux interprofessionnels.
Le nouveau Centre fait rapidement ses preuves, devenant une ressource en matière de développement curriculaire et d’évaluation de programmes.
1978-1993 : Des programmes d’enseignement à la recherche
Succédant au Dr Scott à la direction du Centre en 1978, le docteur Dale Dauphinee amorce un virage, réorientant la mission du Centre de la conception de programmes d’enseignement à la recherche en éducation médicale.
« L’époque était davantage à la réflexion », évoque le Dr Dauphinee. « Les impératifs de modification des programmes d’études s’atténuaient, et devant l’évolution des conditions, les esprits s’ouvraient à la vision de l’éducation médicale comme objet de recherche scientifique. »
Le docteur Richard Cruess, alors doyen de la Faculté de médecine, résume ainsi ce changement de perspective : « Comment faire pour transposer au laboratoire les enjeux constatés au chevet du patient? »
1994-2001 : Un virage cosmopolite
La professeure Vimla Patel devient directrice du Centre en 1994, succĂ©dant au Dr Dauphinee. Alors professeure de mĂ©decine et directrice du Centre des sciences cognitives de 91ÉçÇř, la Pre Patel s’intĂ©resse dans ses recherches aux fondements scientifiques de l’éducation mĂ©dicale et en santĂ©, tout particulièrement les bases cognitives de la prise de dĂ©cisions en mĂ©decine.
L’évolution du Centre se poursuit, dans une période marquée par la mondialisation et l’innovation technologique. Sous la gouverne de la Pre Patel, le Centre rayonne dans le domaine de l’informatique médicale et profite de partenariats entre l’université et le secteur privé dans les secteurs des sciences cognitives et de l’informatique.
L’intérêt croissant du Centre pour la recherche est étayé par l’arrivée des Drs Richard et Sylvia Cruess au sein de l’équipe. Le Dr Richard Cruess venait de terminer trois mandats au poste de doyen de la Faculté de médecine (1981-1995) et la Dre Sylvia Cruess avait été pendant plusieurs années directrice des services professionnels à l’Hôpital Royal Victoria (1977-1995). Le couple a contribué à façonner la recherche et l'avancement des connaissances sur le professionnalisme et la formation de l’identité professionnelle en médecine.
2001-2018 : Préparer l’avenir
L’arrivée du docteur Peter J. McLeod à la direction du Centre en 2001 marque une réorientation importante vers le rôle de ressource en innovation et recherche pédagogiques au sein de la Faculté de médecine. Sous sa direction, de concert avec la professeure Yvonne Steinert, alors directrice adjointe, le Centre devient une plaque tournante en éducation médicale, doté d’une structure claire de membres actifs.
« Le Centre est devenu un pôle d’où l’on orientait et faisait progresser le domaine de l’éducation médicale, en prenant part activement à la recherche et à l'avancement des connaissances en éducation au premier cycle, aux cycles supérieurs et en formation continue dans les professions de la santé », dit la Pre Steinert du début des années 2000.
La Pre Steinert remplace le Dr McLeod à la direction en 2005. Elle pilote alors une autre phase de croissance et un tout nouveau chapitre pour le Centre, en misant toujours sur la recherche et le développement d’idées nouvelles, et en réunissant une communauté de pratique dynamique regroupant des chercheurs et des praticiens de l’éducation en sciences de la santé.
2019 : Lancement de l’Institut d’éducation en sciences de la santé
L’Institut succède au Centre d’éducation médicale en février 2019. Premier en son genre au Canada, l’IÉSS est une unité d’embauche et d’enseignement qui offre des programmes d’études supérieures en éducation en sciences de la santé.
Le nom de l’Institut reflète une réorientation continue vers la collaboration interprofessionnelle, le décloisonnement des disciplines et une approche plus inclusive des professions de la santé et des sciences biomédicales.
« Nous nous voyons comme une communauté – et un lieu physique – d’apprentissage et de développement collectifs », dit la Pre Steinert de l’Institut. « L’un des ingrédients essentiels de notre succès est de réunir activement à la même table un éventail d’intervenants de différentes disciplines et professions. C’est ce mélange sain et fécond de personnes diverses, de théorie et de pratique, qui donne naissance à des travaux véritablement progressifs et dynamiques. »
Ainsi, 46 ans après que l’idée d’un « lieu d’échange » ait émergé, l’esprit de communauté autour de l’éducation en sciences de la santé est plus fort que jamais.